Jacques Horneffer est resté connu avant tout comme chef de choeur, intimement lié au Motet de Genève: en 1947, la direction de cette chorale lui est confié, suite à la disparition subite de Lydie Malan, il en fut le chef jusqu'en 1981! Mais il était aussi un excellent pianiste, qui a souvent joué en duo avec Renée Peter.
"[...] Mort d'un grand musicien genevois - Jacques Horneffer n'est plus
Le pianiste était un homme d'une haute culture. Réservé, secret, il a consacré sa vie à la musique.
Homme réservé, voire secret, d'une politesse distante mais exquise, avec quelque chose d'ascétique dans les manières, Jacques Horneffer, disparu le 1er janvier à l'âge de septante-deux ans, cachait son extrême sensibilité derrière la transparence de son regard bleu. L'élégance et la finesse de l'artiste, la haute culture et la grande érudition du savant ne se montraient qu'avec retenue. La carapace de froideur et le trait souvent cinglant semblaient vouloir cacher le mystère d'un être qui ne se livrait que par le truchement de son art et de son enseignement. Pianiste formé à l'Ecole de Marie Panthès, plutôt qu'au solo de l'estrade, il avait préféré la discrétion attentive de l'accompagnement - on garde le souvenir émerveillé d'une Belle Meunière avec Ernst Haefliger - et la responsabilité partagée du duo pianistique. Avec Renée Peter, il jouait Mozart et Liszt, Stravinsky et Bartok. La première genevoise de la Sonate pour deux pianos et percussion, entre autres, c'est au duo Horneffer-Peter qu'on la doit.
Le disciple de Lydie Malan s'était ouvert aussi aux richesses du répertoire vocal, étendu vers la musique ancienne autant que vers les découvertes contemporaines. Reprenant la direction du Motet de Genève, Jacques Horneffer explora ces vastes domaines. Son nom et celui de son ensemble restent liés à la grande époque d'Ernest Ansermet et de ses prestigieux enregistrements, de Daphnis et Chloé à L'Enfant et les Sortilèges de Ravel, des Sirènes de Debussy à Noces de Stravinsky.
Comme Ansermet...
Très vite, comme Ansermet, lié d'amitié avec Benjamin Britten, Horneffer s'employa à le faire venir à Genève pour qu'on l'entende en récital avec Peter Pears, pour que l'English Opéra Group y vienne représenter ses oeuvres, pour qu'on monte la création suisse du Viol de Lucrèce au Théâtre de la Cour Saint-Pierre.
Mais Horneffer surprenait parfois, lorsqu'il programmait et dirigeait avec sa parfaite compétence des oeuvres qu'on associait moins immédiatement à sa personnalité: le Stabat Mater de Rossini, ou même le Requiem de Verdi. C'est qu'il aimait l'opéra, le pratiqua comme répétiteur, le fit mieux connaître par les notices qu'il rédigea longtemps pour les programmes du Grand-Théâtre. Associé à leurs premières saisons d'activité, il fut pour les Amis de l'Opéra de Genève un conférencier qui faisait entrer dans les chefs-d'oeuvre par les portes de la vraie musique. Il fut aussi pour le quotidien La Suisse un critique musical avisé et sans complaisance.
C'est ainsi que le public put profiter un peu de ses connaissances encyclopédiques, réservées pour l'essentiel aux élèves du Conservatoire où il enseigna l'histoire de la musique d'une manière toute personnelle, vécue de l'intérieur, toujours restituée dans le contexte de son immense culture. Au Conservatoire de Genève encore, il donna à la bibliothèque, dont il fut longtemps responsable, un développement considérable.
Son intransigeance a souvent fait que Jacques Horneffer n'a pu donner tout ce que son talent nous devait. Depuis sa retraite, il ne se montrait plus guère. On garde le regret de toutes les richesses dont nous ont privés sa maladie et maintenant sa mort.
Pierre Michot[...]"