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Les premières années...

1939     1940     1941     1942     1943     1944     1945     

1958, Rétrospective


1937 - 1938

Dans les années 1930, les orchestres étaient généralement sous-occupés durant l'été, ce qui avait pour conséquence de mettre les musiciens dans de grandes difficultés. Ernest ANSERMET eut l'idée de les engager dans une ville très touristique, telle que l'était Lucerne.

C'est ainsi qu'aidé par plusieurs personnalités, il parvint à mettre sur pied quelques concerts durant l'été 1937. En 1938, le premier festival eut lieu, avec un orchestre d'élite, formé de solistes de renommée, dont les membres du Quatuor Busch, et une bonne partie de musiciens de l'OSR. Arturo TOSCANINI dirigea le concert d'inauguration, le 25 août 1938.

Ernest ANSERMET, Wilhelm FURTWÄNGLER et Arturo TOSCANINI, Semaines Musicales Internationales de LUCERNE, 1938
Ernest ANSERMET, Wilhelm FURTWÄNGLER et Arturo TOSCANINI
Semaines Musicales Internationales de LUCERNE, 1938
L'une des premières annonces de ce concert donné à Lucerne dans le cadre ce qui deviendra le Festival de Lucerne:

"[...] Chronique touristique - Toscanini à Lucerne.

Une nouvelle sensationnelle nous arrive de Lucerne. Pour couronner la série des galas musicaux qui s'y donneront cet été, Arturo Toscanini, le génial chef d'orchestre, a consenti à diriger, le 25 août, un concert auquel cette illustre présence, mais aussi le lieu et le programme conféreront un attrait extraordinaire. Le concert se donnera dans l'admirable parc naturel qui entoure la maison de Wagner à Tribschen, la maison où le maître demeura de 1866 à 1872, où il acheva notamment les «Maîtres Chanteurs» et composa «Siegfried» et le «Crépuscule des Dieux».

Entre deux symphonies de Mozart et de Beethoven, Toscanini dirigera l'«Idylle de Siegfried», qui fut jadis donnée en première audition par Wagner lui-même en ce même lieu. Toscanini disposera pour la circonstance d'un orchestre de premier ordre, avec Adolphe Busch comme maître de concert, le Quatuor Busch, le professeur Polo de Milan et d'autres artistes éminents.

Toute l'attention des milieux musicaux de la Suisse et de l'étranger se concentre autour de ce rare événement.
[...]" cité de la revue «En famille» du 9 juillet 1938, page 28.

Le programme des concerts de cette première édition des Semaines Musicales Internationales de Lucerne:

Les "[...] Semaines musicales internationales de Lucerne [...], dès le 19 août, appelleront à la tête de l’Orchestre de Lucerne, allié aux principaux éléments de l’Orchestre Romand, les chefs les plus prestigieux.

Programmes

C’est ainsi que, le 19 août, Fritz Busch dirigera un concert Beethoven — Ouverture d'Egmont, Concerto pour Violon, Symphonie héroïque — dont son frère Adolph sera le soliste, que, le 29 août, Bruno Walter conduira Weber, Wagner et Schubert — Ouverture d'Euryanthe, Bacchanale de Tannhäuser, Prélude et Mort d’Yseult, Septième Symphonie en do majeur — et que, le 1er septembre, Mengelberg interprétera la Première Symphonie, de Brahms, l'Inachevée, de Schubert, et les Préludes, de Liszt.

On pourrait s’étonner de la composition de ces programmes. D’aucuns se demanderont, par exemple, pourquoi ce sont exclusivement des oeuvres très connues qui ont été choisies et pourquoi l’on ne révèle, à Lucerne, aucune page nouvelle. Je crois que l’on a fort bien fait et que le principe est bon qui consiste à faire donner à chacun un maximum dans les oeuvres qui lui conviennent. Les frères Busch dans Beethoven! Souvenir inoubliable de l’Exposition de 1927 à Genève! Bruno Walter dans Prélude et Mort d'Yseult! Emotion sans égale! Mengelberg dans les Préludes, de Liszt: un triomphe à chaque fois renouvelé!

Toscanini à Tribschen

Mais il y a plus! Indépendamment de ces trois grands concerts qui auront lieu au Palais des concerts et des congrès, le jeudi 25 août, à 16 h. 30, Arturo Toscanini évoquera, dans le parc de la maison de Wagner, à Tribschen, la grande figure du maître de Bayreuth et conduira Siegfried-Idyll aux lieux mêmes où l’oeuvre fut conçue. On imagine sans peine l’émotion que vaudront aux spectateurs ces prodigieux instants. Et l’on ne peut qu’admirer une fois de plus la générosité et la grandeur de l’illustre chef italien apportant ainsi au génie wagnérien l’hommage de son incomparable talent. Fait touchant, les musiciens que conduira le maître seront - autour d’Adolph Busch et de ses partenaires — les plus remarquables quartettistes de notre pays: beau témoignage à la fois à Wagner et à Toscanini.


Adolph et Fritz BUSCH vers 1938, lieu, date et photographe inconnus
Adolph et Fritz BUSCH vers 1938, lieu, date et photographe inconnus
Radiodiffusion...

Les postes suisses, cela va sans dire, diffuseront les concerts des 19 et 29 août et du 1er septembre. Mais — et le fait est significatif — nombreux sont les pays qui ont désiré relayer tout ou partie de ces manifestations: citons la France, la Suède, la Tchécoslovaquie, l’Allemagne et les Etats-Unis. Et signalons en particulier que le concert du 25 août, dirigé par Toscanini, sera, par autorisation spéciale et exclusive, relayé par les cent vingt stations américaines de la N.B.C. Cette forte participation étrangère à la diffusion des manifestations lucernoises n’est-elle pas la meilleure preuve de leur importance et de leur qualité?

Espoirs et projets

Le succès, déjà, répond aux efforts des initiateurs. Ceux-ci sont — on l’a bien vu — des hommes audacieux et — qui plus est — des hommes qui voient clair et loin. Notre pays est un paradis touristique: il y manquait, jusqu’ici, ses oiseaux chanteurs. Il pourrait bien se faire que Lucerne ait découvert le moyen de les y fixer. Les Semaines musicales internationales, parties avec une formule souple qui permet toutes les combinaisons, vont devenir annuelles: chaque été, Lucerne, coquette et séduisante, attirera ceux et celles qui veulent servir à la fois la nature et la musique.
[...] Aussi croyons-nous ne point nous tromper en voyant dans ces Semaines 1938 un prélude à d’autres «Semaines» plus riches encore durant lesquelles Lucerne fera, les années venant, retentir au loin le nom incomparable de notre pays. [...]" cité de la revue «Le Radio», No 801, 12 août 1938, page 2

1939

Le «Kunsthaus» de Lucerne, 1939
Le «Kunsthaus» de Lucerne, 1939
"[...] Par un privilège inestimable, le Festival de Lucerne va, cette année encore, accueillir Toscanini; qui plus est, l’illustre chef y tiendra plusieurs fois la baguette, les 3, 5, 17 et 29 août, à la tête d’un orchestre de quatre-vingt-dix musiciens. Ainsi, peu à peu, Lucerne — amplifiant son effort — prend la succession de Salzbourg tout comme Genève tente de prendre la succession de Vienne quant au Concours international d’exécution musicale: ne voit-on pas l’importance énorme de ces faits donnant, peu à peu. à notre pays l’aspect d’une véritable terre de refuge des valeurs spirituelles bannies par la seule volonté de chefs d'Etat ennemis de la pensée libre et des arts incontrôlés ? Cependant, dès ce jeudi 3 août, Arturo Toscanini va mener son orchestre — formé des meilleurs instrumentistes de toute la Suisse, pris dans les diverses associations symphoniques du pays — sur le chemin de la perfection, grâce au prodigieux pouvoir de sa personnalité. Voici comment Stefan Zweig — préfaçant le livre de Paul Stefan consacré par la Herbert-ReichnerVerlag à l'illustre maître — évoque, sous le titre « Bildnis », une répétition d’orchestre:

«Toscanini va à chaque répétition comme à un combat. Dès qu’il entre dans la salle, il semble déjà métamorphosé...» Il marche et s’assied le plus souvent avec un regard absent, bras au corps, front ombrageux; il a quelque chose en lui d’entièrement fermé au monde extérieur... Il écoute et poursuit son rêve en lui-même: un travail se fait en lui et ses sens sont uniquement tendus vers ses sollicitations inté- rieures. Qu’on vienne près de lui et qu’on lui adresse la parole, il sursaute: ses yeux profonds mettent alors longtemps pour reconnaître fût-ce même lui ami intime. C’est qu’il est perdu en lui-même, il est hermétiquement fermé à toute autre chose que la musique... Ainsi va Toscanini à travers les heures, mais, à la minute même où il prend la baguette, où il se sent placé devant son travail, alors cet isolement total se transforme en force de coordination, cette rêverie en activité passionnée. En un clin d’œil, sa physionomie devient tendue, quelque chose de martial soulève ses épaules, il se sent chef, directeur, dictateur. Ses yeux habituellement veloutés deviennent pleins de feu sous ses sourcils épais. Autour de sa bouche se marquent les plis de la volonté et, sur sa main, chaque muscle se dessine... Aussitôt qu’il est au pupitre, il mesure son adversaire avec un regard napoléonien, car il sent que la masse passive des musiciens est comme une troupe qui n’a pas été vaincue, comme un être opposé et révolté qu’il doit maîtriser, qu’il doit soumettre, par la discipline et la loi...

«Il lève sa baguette et, dans cette seconde, sa volonté tout entière est condensée en une force hypnotique dans sa baguette magique. Un geste encore et la musique est libérée...»
[...]" cité de la revue „Le Radio“ du 28 juillet 1939, page 5

1940

L'année suivante, situation internationale très critique...

"[...] Le Festival de Lucerne va avoir lieu.

On annonce que, malgré la situation actuelle de l’Europe, les Semaines musicales de Lucerne vont avoir lieu cette année. Elles ne dureront que deux semaines et débuteront le 8 août. Comme d'habitude, les plus grands musiciens du monde y prêteront leur concours, entre autres Bruno Walter, Ernest Ansermet, Volkmar Andreae et Paul Sacher, de même que Bernardo Molinari. Le célébre pianiste Rachmaninoff donnera un concert et on pourra applaudir Gieseking, Backhaus, Cortot, Szigeti et le grand ténor italien Gigli. Un grand nombre de ces concerts seront retransmis par la radio suisse, ainsi que par quelques stations étrangères.
[...]" cité de la revue „Le Radio“ No. 897 du 14 août 1940, page 23

1941

revue „Radio Actualités“ No. 36 du 5 septembre 1941, page 2
cité de la revue „Radio Actualités“ No. 36 du 5 septembre 1941, page 2
À compléter

1942


cité de la revue „Radio Actualités“ No 34 du 21 août 1942 en page 2
À compléter

1943

"[...] Les Semaines musicales internationales de Lucerne.

Un Festival international de musique au terme de quatre années de guerre mondiale? Lucerne tient la gageure. C’est qu’aussi la tradition est trop belle et fondée déjà pour qu’on la puisse rompre. Fixées du 26 août au 11 septembre, les Semaines internationales viendront couronner la saison musicale d'été à Lucerne, qui comprend notamment un cycle Schubert et des cours extraordinaires au conservatoire. Elles comporteront principalement deux exécutions de la Messe solennelle de Beethoven et cinq concerts symphoniques donnés sous la conduite et avec le concours de chefs et de solistes célèbres, suisses et étrangers, par un orchestre de quatre-vingt-dix musiciens, formé — comme celui que dirigea Toscanini en 1938 et 1939 — non par les membres d’un seul ensemble, mais par la conjonction exceptionnelle des meilleurs instrumentistes qui.se puissent recruter partout. en Suisse.
[...]" cité de la revue „En famille“ No. 21 du 26 mai 1943 en page 25

1944

"[...] Les semaines musicales de Lucerne 1944

En 1938 et 1939, Lucerne avait fait appel pour son festival à l’Orchestre de la Suisse romande, à ceux de Zurich, Winterthour, etc., aux membres des Quatuors Busch, Polo et à d’éminents solistes pour qui jouer sous la prestigieuse baguette d’Arturo Toscanini était un honneur.

Puis l’Orchestre de la Scala de Milan fut, deux étés, notre hôte et le succès de ce bel ensemble est encore dans toutes les mémoires.

Mais en 1943, les organisateurs, avec l’appui du Département fédéral de l’intérieur, et grâce à l’entregent de l’habile président de l’Association des musiciens suisses, Rodolphe Leuzinger (lui-même excellent interprète de l’Orchestre de Zurich), fondèrent un véritable orchestre national de cent exécutants choisis parmi les meilleurs pupitres du pays. Cet ensemble, capable de rivaliser avec les plus réputés de l’heure, a été constitué de façon à pouvoir être réuni chaque année.
[...]. Comme l’année dernière Lucerne a, à sa disposition, l’Orchestre du Festival. Le succès remporté par celui-ci est encore présent dans le souvenir des auditeurs qui eurent le privilège de l’entendre. La presse unanime, les chefs d’orchestre engagés ont reconnu ses qualités extraordinaires.

Ainsi, dès la mi-août, les auditeurs lucernois pourront se rendre compte que l’Orchestre du Festival, en collaboration avec des chefs de réputation mondiale, confirmera sa valeur et contribuera à maintenir le haut niveau artistique de ces manifestations musicales nées sous l’égide du génial Toscanini.
[...]" cité de la revue „Radio Actualités“ No. 32 du 11 août 1944, page 27

1945

"[...] Semaines musicales internationales LUCERNE 1945

La saison artistique estivale ne serait pas complète sans le fameux Festival de Lucerne qui aura lieu du 21 août au 5 septembre.

Comme on l’espérait en 1944, les concerts de cette année seront ceux de la paix. Un programme des plus intéressants a été mis sur pied et nous permettra, en particulier, de réentendre d’éminents artistes français ou étrangers que les circonstances retenaient loin de nos frontières pour des raisons diverses.

Les cinq concerts symphoniques seront dirigés successivement par Paul Paray, le fameux chef français, Alcéo Galliera, maestro italien interné dans notre pays, Paul Kletzki et Ernest Ansermet, dont l’éloge n’est plus à faire, et un chef anglais non encore désigné. Les pianistes Dinù Lipatti et Paul Baumgartner, les violonistes Georges Kulenkampff et Bronislaw Hubermann, aujourd’hui en Amérique, et l’illustre Pablo Casals en seront les solistes.

Edwin Fischer donnera un récital de piano tandis que Marcel Dupré, le grand organiste français, touchera l’orgue de la cathédrale. Le concert sérénade de l’année dernière ayant rencontré l’approbation générale, le Collegium Musicum de Zurich, dirigé par Paul Sacher et Max Sturzenegger, donnera deux auditions avec le concours du célèbre flûtiste français Marcel Moyse.

Le Conservatoire de Lucerne organise, à nouveau, des cours de maîtrise avec Ernest Ansermet (direction), Arthur Honegger (composition), Dr Eger (opéra), Edwin Fischer (piano), Georges Kulenkampff (violon) et Marcel Moyse (flûte). Le Festival de Lucerne ne saurait avoir lieu sans les traditionnelles représentations en plein air. Le parc de l’Inseli sera le théâtre des représentations de l'«Antigone», de Sophocle, et de «Nicolas de Flue», données sous la direction du Dr Oscar Eberle.

Lucerne, une fois de plus, fera honneur à sa réputation de grande cité artistique et souhaitons que nos amis français puissent se joindre à nous cet été pour y entendre les grands artistes qui nous sont promis.

Guy de Breuil.
[...]" cité de la revue „Radio Actualités“ No 29 du 20 juillet 1945, page 24

cité de la revue „Pour Tous“ No. 28 du 7 septembre 1945, page16

          

RÉTROSPECTIVE - 1958, LES 20 ANS DU FESTIVAL DE LUCERNE

Trois noms sont associés au XXe anniversaire du Festival de Lucerne: Toscanini, Furtwängler, Ansermet.

Sous ce titre, dans la revue L'Illustré du 11 septembre 1958, No 37, pages 53-54, Henri JATON présentait un entretien avec Ernest ANSERMET:

"[...] Ne sont-ce pas là des patronages que bien peu d’organisateurs sont en mesure de revendiquer? Hélas, de ce „triumvirat“ exceptionnel, seul Ernest Ansermet participe aujourd’hui encore — et avec quelle générosité - à notre vie musicale... Toscanini nous a quitté, alors que depuis longtemps déjà l’impitoyable Amérique l'avait annexé... Usé par le rythme d’une vie harassante, Furtwängler a disparu trop tôt, emportant avec lui le secret de la tradition qu'il avait héritée de ses maîtres Hans Richter, Arthur Nikisch...

Pour présider la séance inaugurale de cette vingtième réplique de leur initiative, les organisateurs lucernois avaient fait appel à Ernest Ansermet qui, commentant Frank Martin, Claude Debussy, Bela Bartók... obtint une nouvelle fois, au Kunsthaus un succès triomphal...

Témoin de la naissance du festival, c’est à Ansermet que je m’adresse pour établir les points essentiels de l'historique des Semaines Internationales de musique:

— Dans quelles conditions a été fondé le Festival de Lucerne?

— J'étais préoccupé depuis fort longtemps, me répond aimablement Ansermet, du sort de mes musiciens de l'Orchestre de la Suisse romande dont le contrat ferme n'était établi que pour six mois, et qui se voyaient ainsi contraints de trouver, durant l'été, une occupation complémentaire, ce qui n’était pas sans nous exposer au risque de ne plus les retrouver à leur pupitre au début de la saison d’hiver...

C'est alors que l’idée de la création d’un Festival suisse me vint à l'esprit. Le choix de Lucerne me paraissait s’imposer comme centre de villégiature, et je fis part de mon projet à mon ami Paul Budry alors directeur romand de l’Office national du tourisme, ainsi qu’au docteur Zimmerli, président de la Ville de Lucerne, et par ailleurs homme fort distingué et cultivé. Avec la confirmation d’un ensemble formé d’instrumentistes de l'Orchestre de la Suisse romande et de musiciens de Lucerne, nous fîmes une première tentative en 1937 déjà, au Kursaal, le Kunsthaus n’étant pas encore bâti... et je dirigeai, en particulier, ce concert dont Alfred Cortot était le soliste...

L’expérience ayant été concluante, nous envisageâmes la réédition du festival l'année suivante. Sur ces entrefaites, l’Autriche ayant passé sous la domination germanique d’alors, Toscanini refusa désormais de diriger au Festival de Bayreuth. Nous savions le maître italien très attaché à Lucerne, à Tribschen, et à tout ce qui touche le souvenir du séjour de Wagner dans cette région. Toscanini étant lié de très vive amitié avec Adolphe Busch, nous chargeâmes l'illustre violoniste de lui proposer d’accepter le patronage et de participer au Festival de Lucerne... Toscanini accepta avec enthousiasme... Et nous vécumes alors, en 1938 et 1939, deux saisons exceptionnelles où défilèrent au podium du Kunsthaus Toscanini, Furtwängler, Mengelberg, Bruno Walter, Fritz Busch... moi-méme conduisait également...

— La guerre a mis un terme momentané à votre entreprise; mais, depuis lors, maître, la formule de „festival“ s’est étendue un peu partout. Estimez-vous que ce soit là un bien pour la musique?

— Il est indéniable que la musique bénéficie aujourd’hui d’une très vaste audience qui lui a procuré la vulgarisation de la radio, du disque... Si le prestige de qualité est maintenu de façon intangible, il me semble que la multiplication des festivals ne peut être que favorable au rayonnement musical.

— Un autre point, maître: on fait grief aux organisateurs des festivals de s’en tenir toujours à un programme composé d’oeuvres consacrées. Avez-vous pu noter, à Lucerne en particulier, une évolution favorable du public quant à sa compréhension de la musique contemporaine?

— Sans aucun doute, et j'en prendrai à témoin l’accueil intéressé dont ont bénéficié, lors de mon dernier concert , des ouvrages comptant de réelles complexités, tels que l’„Ouverture“ de Frank Martin et le „Concert“, de Bartók. Mais attention: il ne faut pas confondre la musique contemporaine avec certains essais expérimentaux qui obéissent à la mode et m’apparaissent comme ne pouvant avoir aucun lendemain... Je rends hommage aux promoteurs lucemois de n’avoir, sur ce point, jamais sacrifié au snobisme, tout en maintenant à leur programme, les pages les plus représentatives du répertoire de notre temps...

Ce qu’Ansermet ne nous dit pas, c’est qu'il est le responsable essentiel de cette ouverture d'esprit dont témoigne aujourd'hui l’auditoire du Kunsthaus, et cela par les nombreuses exécutions qu’il nous a offertes durant ces vingt ans, et dont nous étions, en ce récent concert d’ouverture encore, les auditeurs enchantés...
[...]"

Plus en détail: l'entretien publié le 16 août 1959 dans lequel Ernest ANSERMET explique les circonstances de la création du Festival de Lucerne en 1938.

Cet entretien avec Henri JATON peut être écouté ici grâce à la générosité de la Radio Télévision Suisse qui permet de l'embarquer en iframe: